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#38 La Clepsydre

  • Photo du rédacteur: E u S d C
    E u S d C
  • 5 avr. 2019
  • 4 min de lecture


Conseillé par un ami très cher et cinéphile averti, je me suis laissé happer par ce film Ô combien étrange et attirant. Le regarder c'est comme regarder avec désir un(e) inconnu(e) en se demandant qui est cette personne. On se laisse envoûter par le charme de son image et on se plaît à tenter de deviner quelle est sa vie et les mystères qu'elle renferme. C'est ce genre de sentiment que j'ai ressenti lors du visionnage. La mise en scène de ce film est hypnotisante, la caméra est rarement fixe lors des déambulations du personnage dans ce sanatorium (abandonné?) en ruine où officie une infirmière au charme diabolique et un docteur étrange. Le montage est tellement subtile que j'ai dû regarder à plusieurs fois certains passages tant j'avais une impression de longs plan-séquences lors de certaines scènes. Quant aux décors, je crois que j'ai rarement vu un tel travail de recherche. Ils sont tout simplement hallucinant. On passe d'un couloir désert à une rue commerçante où la vie grouille. Tout semble figé dans le temps, même les personnages semblent sortis de centaines d'époques différentes. D'ailleurs impossible de dater exactement quand l'action du film se passe. Niveau influence, comme d'autres l'ont si bien écrit dans leurs critiques ici même, on pense furieusement à Tarkovski pour son aspect surréaliste et hors du temps, Fellini pour l'énergie folle des personnages qui défilent à l'écran, et je rajouterai aussi Polanski pour les obsessions des traumatismes de l'enfance. Quant au génie de Wojciech Has il n'est pas à prouver, car (là je vais totalement supposer) on peut sentir son influence chez Kusturica, Lynch, Aronofsky et Yórgos Lánthimos. Je pousserais même le vice jusqu'à Ridley Scott (le passage avec les automates fait furieusement penser à l'antre de Sebastian dans Blade Runner?). Dommage que ce réalisateur n'ait une aura culte que dans le cœur des cinéphiles tant son travail tutoie le sublime. Et qu'aurait bien pu donner son film s’il avait eu accès à la steadycam, inventée un an plus tôt?

Niveau lecture du film, il y'en a plusieurs je pense et toutes subjectives. Je vais vous faire part de la mienne donc GROSSE ALERTE SPOILERS

Le film s'ouvre dans ce que l'on suppose être en train et on y suit une sorte de contrôleur étrange, ayant en guise de collier une boîte contenant une bougie. L'aspect des personnes et du train donne la couleur, on ne regarde pas un film banal. Notre "héros" descend donc du train pour se diriger vers le sanatorium où son père est soigné. À son arrivée, la bâtisse semble abandonnée depuis des dizaines d'années. À l'intérieur, ce n'est guère mieux. Il erre jusqu'à tomber sur une magnifique infirmière étrange et qui dégage quelque chose de fantomatique. Alors que le docteur dort, elle croit bon de prévenir Józef que dormir est leur plus grande activité. Alors qu'il erre dans le restaurant de l'établissement (un décor que Stephen King n'aurait pas renié), l'infirmière signale au "héros" que le docteur est réveillé. Et ce dernier commence un discours surréaliste sur son père. Commence alors pour Józef une errance dans le dédale du sanatorium et de son passé.

Je le dis très clairement, pour moi Józef est mort dès le début du film et le sanatorium fait office de Purgatoire. Le contrôleur du train dès le début représente pour moi un passeur d'âme, sorte de Charon inquiétant. Et les errances de Józef dans son passé sont une sorte d'épreuve où il doit régler les problèmes qu'il a eu toute sa vie. Actes manqués avec le père et une voisine pas farouche pour un sou, soumission à une marâtre qui ne fait que le rabaisser sans lui montrer un once d'amour, peur du sexe opposé doublé d'une fascination pour lui. Il croisera bon nombre d'automates, symbole de personnes superficielles et sans émotions qu'il a pu croiser dans sa vie? Il croisera une nuée de rabbins en délire ce qui appuiera sa curiosité de cet univers qu'il visite. Il croisera même les Rois Mages. Est-ce le signe d'une dualité religieuse qui s'est imposée à lui? Et comment ne pas y voir une nécessité de choix pour tenter de sauver sa vie (Le film est polonais, le personnage de Józef et son père sont juif, et certains décors font quand même furieusement penser au Ghetto de Varsovie.). Peut-on voir dans le film une allégorie de la seconde guerre mondiale qui vient se superposer sur cette errance au purgatoire? Si je devais pousser les choses encore plus loin dans mon analyse, je dirais que le père de Józef est mort dans un camp allemand et que Józef a trouvé le moyen de mentir sur ses origines pour échapper aux raffles, qu'il a survécu tant bien que mal mais que malgré cela il à fini par se faire tuer. En plus de régler ses problèmes liés aux traumatismes de son enfance le voilà qui doit également absoudre ses fautes commises lors de son vivant. Hélas, il n'y parviendra pas, car pour moi la fin est très claire. N'ayant pas réussi à purifier son âme pour passer à un état de conscience supérieur, il se retrouve condamné à devenir un passeur d'âmes également alors que le docteur lui dis que tout se passera bien et que l'inquiétante infirmière l'habille d'un manteau, d'un chapeau et d'un collier avec une boîte contenant une bougie. Et Józef de partir dans un cimetière éclairé par des centaines de bougies (le plan est magnifique!!!!!) et de se retrouver condamner à errer ici en guidant les autres âmes vers le sanatorium où elles devront subir les mêmes épreuves que Józef.

Et si je pousse le délire jusqu'à dire que le contrôleur vu au début est Józef, alors cela impliquerai que tant que celui-ci est bloqué dans ce purgatoire/enfer, il est condamné à la même fin jusqu'à qu'il réussisse son absolution et qu'il ait réglé ses problèmes. Souvenez-vous, ne se voit-il pas arriver au début dans le jardin alors qu'il se regarde par le jardin. L'arrivée est la même mais l'entrée est différente. Un enfant (Józef plus jeune, j'en suis sûr) lui ouvre une porte lors de sa deuxième arrivée alors que pour sa première, il avait dû passer par une fenêtre. Le signe que les choses changent? Possible.

En tout cas j'espère ne pas vous avoir endormi avec ma longue critique de ce film qui est tout simplement un chef-d’œuvre absolu. De la mise en scène aux décors en passant par le jeu d'acteurs et les multiples interprétations que l'histoire et les symboles du film nous offrent.

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