#51 Cash Back
- E u S d C
- 19 nov. 2019
- 6 min de lecture

Je vais vous parler d’un film que je trouve beau. Tout est beau dans ce film. Les plans, les actrices/acteurs (oui toutes et tous ont leur beauté propre), le montage, la musique. Tout de A à Z transpire la beauté.
Parlons donc de Cashback, premier long-métrage de Sean Ellis (The Broken), lui-même rallongement du court-métrage éponyme nommé aux Oscars en 2004. Le court-métrage correspondant en tout point à l’orientation qu’il souhaite donner au film, il garde donc ces 18 minutes et décide de construire le film autour. Ainsi de l’histoire d’un étudiant aux beaux-arts qui trompe l’ennui lors des huit heures de son taf de nuit dans un supermarché, nous découvrons ce qui l’a mené ici.
Tout d’abord le film s’ouvre sur le magnifique « Casta Diva » tiré de l’opéra Norma de Bellini. Puis la voix du narrateur (et personnage principal) commence à nous parler, puis apparaît la première image. Une femme apparemment en colère filmée en un plan fixe au ralenti et toujours avec « Casta Diva » qui joue. Ben nous explique que c’est sa première vraie copine, Suzy, et que la scène à laquelle nous assistons est une rupture. Puis Ben apparaît dans un contrechamp des plus simple mais efficace. Il est calme, posé, tête de victime. Et son monologue de résumer en 2 minutes tout ce qui s’effondre lors d’une rupture et comment nous la ressentons. En deux minutes, je suis tombé amoureux de ce film. La simplicité de l’exécution de mise en scène mise en valeur par ce magnifique ralenti, cette musique divine et un casting qui nous fait croire à cette rupture. Ce qui est fort, vu qu’on ne connaît absolument pas les personnages. Ceux qui ont vécus de douloureuses ruptures connaissent ce dont parle Ben (Je sens que Lucas aura encore un bon mot à dire après la critique de Bellflower et Sweet Sixteen). Ben devient alors insomniaque. Mais pas l’insomniaque qui dort une heure par nuit. L’insomniaque qui ne dort plus du tout, pas une minute rien. Tournant en rond il décide alors de trouver un travail de nuit, ce qui le mène à ce travail dans un supermarché où il fait la connaissance de collègues joyeux lurons, d’un manager égocentrique mais drôlement touchant, mais surtout de la magnifique caissière Sharon (belle, magnifique, irradiante Emilia Fox). Nous découvrons aussi que Ben à le pouvoir d’arrêter le temps. Ce qui lui permet de déshabiller les clientes du supermarché pour pouvoir en dessiner de magnifiques portraits. Sans rire, les dessins de Ben sont M-A-G-N-I-F-I-Q-U-E-S. Ainsi il peut prendre le temps de saisir l’essence de la beauté chez n’importe quelle femme.
Sean Ellis explique qu’il était important pour lui de trouver un acteur qui incarne, l’innocence, la candeur pour interpréter Ben. En effet le pouvoir de Ben implique qu’il pourrait faire des choses beaucoup moins avouables à ses modèles lorsqu’il fige le temps. C’est donc pour cela qu’il choisit Sean Biggerstaff (Olivier Dubois dans Harry Potter #lesvraissavent). Nous lui donnerions le bon Dieu sans confession. Et Sean Ellis de rajouter : Dès le court métrage, je me rappelle montrant le film à des amies et leur demandant : " Est-ce que vous pensez que ce gars est un pervers ? " Si elles m'avaient dit oui, j'aurais eu tout faux. J'avais besoin qu'on me dise qu'il était adorable, touchant, et même idéalement quelque chose du genre : " Tu sais, cela ne me dérangerait pas qu'il me fasse la même chose " ! "
Voilà donc le petit monde de Ben Willis, perdu au milieu de ses insomnies au cœur des rayons du supermarché, dessinant et transcendant la beauté de ses aléatoires modèles qui errent dans les rayons. La mise en scène d’Ellis est d’une rare grâce. Ellis est à la base un photographe renommé de mode et ça se sent à chaque seconde du film tant chaque plan transpire l’Amour de la belle image et de la beauté de la Femme (Un autre réalisateur qui magnifie la femme dans quasiment tout ses films, c’est Wong Kar-Waï. Surtout, et c’est purement subjectif, dans son diptyque In the Mood For Love/2046. Mais j’y reviendrai plus tard, tant c’est un réalisateur important dans ma vie). Même ses transitions au montage sont belles, et par moment on pense à Michel Gondry, surdoué de la mise en scène français (je vous recommande tout ses court-métrages, clips, films même si le Frelon Vert est son moins personnel et le plus chiant. Mais bordel Eternal Sunshine Of A Spotless Mind et L’Écume des Jours !!!) . Certes le rythme est lent posé, mais c’est pour mieux appuyer le propos de Ben. Vouloir aller trop vite ne sert à rien. On risque de passer à côté de l’essentiel. Cette idée est soutenue autant narrativement que visuellement. Et ce jusqu’aux derniers mots de Ben lors d’une des plus belles fin que j’ai vu au cinéma (j’en pleure de joie en écrivant ces lignes, note le Lucas. Je ne fais pas que dans le film dépressif).
Bien évidemment, Ben tombe amoureux de sa collègue Sharon (toutes celles et ceux qui ont vu le film avec moi en sont aussi tombé amoureuses/amoureux) mais comme rien n’est facile il y aura quelques obstacles à braver.
Côté casting tout le monde est parfait. La majorité des actrices et acteurs du court-métrage rempilent. Michelle Ryan obtient le rôle de Suzy, l’ex de Ben et offre un personnage à multiples facettes, mais dans le bon sens du terme. Ce n’est pas la psychopathe que le premier plan du film nous offre, mais une femme fragile qui se dit que sa décision était peut-être une bêtise, une de ces fameuses erreurs de jeunesse. Impossible de lui en vouloir tant sa fragilité transparaît au fur et à mesure de ses apparitions lors du film. Stuart Goodwin qui joue le manager dans les deux métrages est très touchant dans le rôle. Sachant capter cette adorable beauferie du personnage. Les deux collègues farceurs et débiles sont magistralement campés par Michael Lambourne et Michael Dixon tant et si bien qu’on a l’impression qu’Ellis est allé chercher deux meilleurs amis d’enfance pour les rôles. Shaun Evans campe l’hilarant meilleur ami de Ben, roi du râteau absolu. Marc Pickering joue le rôle de Brian, ce collègue un peu perché que tout le monde à au moins connu une fois dans sa vie (un passage avec lui reste une de mes plus grosses barres de rire devant le film). Nous avons même droit à un caméo agréablement surprenant de Jared Harris. Mais venons en aux pièces maitresses du casting. Emilia Fox et Sean Biggerstaff. La beauté d’Emilia imprègne le rôle de Sharon. Son visage, ses yeux, son regard, ses mains, son sourire, sa apparente simplicité de jeu qui s’avère riche en subtilité au détour d’un sourire ou d’un regard. Cette lueur qui apparaît dans son regard quand on sent qu’elle aussi tombe amoureuse de Ben. Son jeu est parfait et j’avoue que j’aurais du mal à voir une autre actrice dans le rôle. Et mon Dieu que cette actrice est belle. Pas la beauté que tentent de nous vendre les magazines, mais une Vraie beauté, Pure et Simple. Sean Biggerstaff est parfait dans le rôle de Ben Willis (relire les propos de Sean Ellis plus haut). Il apporte cette délicate candeur au personnage et il sait allumer cette magnifique étincelle dans ses yeux lorsqu’il est face à la beauté de Sharon. Sa narration posée nous emmène tout au long de son histoire. Et à travers ses yeux, nous apprenons sur la beauté.
Et si l’originalité n’est pas vraiment dans les grandes lignes de l’histoire, c’est dans ses petits détails que se trouvent les pépites d’or de ce film. Vous savez, les détails que l’on zappe si on va trop vite.
Votre ressenti devant ce film dépendra surtout de l’importance que vous attachez aux détails, mais surtout à leur beauté. Certains trouveront que le réalisateur (également scénariste) appuie trop sur cette thématique, pouvant créer redondance entre propos et images, mais personnellement je ne l’ai pas ressenti ainsi. Ce film est beau pour moi car la beauté est dans les détails et surtout elle est subjective. N’importe qui pourra être beau aux yeux de quelqu’un. Car ce quelqu’un aura su trouver la beauté qui se cache dans le détail. Détail qu’une autre personne ne verra pas. Je trouve que ce film a été injustement descendu par pas mal de critiques, reprochant à Ellis de prendre les gens de haut avec son premier film. Au contraire, je trouve qu’il est précautionneux avec nous. Il nous prend par la main et nous montre comment nous pourrions Aimer mieux. Si l’envie vous prend de regarder le film portez bien attention aux derniers mots de Ben. Ils résument tout le film, et ainsi le propos du réalisateur. Et force est de constater qu’il a raison.
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